Depuis la création de leur agence en 1990, Patrick Weber et Pierre Keiling se sont tenus à l'écart de l'imagerie étincelante héritée des années 1980. Leurs projets sont peu bavards. Pour des raisons inhérentes à leurs parcours, ils privilégient la notion d'édifice, avec toutes ses connotations restrictives. Pour eux, le processus de conception n'est pas une succession d'esquisses inspirées, mais un travail ordinaire, fait de raisonnements. C'est la pratique de l'archéologie; d'abord en Syrie, puis en Grèce, dans le cadre de l'Éole Française d'Athènes, qui a formé, chez Patrick Weber, ce rapport objectif au dessin et à l'édification. Ses premiers projets avec Pierre Keiling expriment cette orientation. Chargés de réhabiliter une tour HLM à Strasbourg (1991-1992), ils se sont efforcés d'améliorer les immeubles par des actes simples : restructuration des entrées, éclairage naturel des paliers, choix de matériaux durables...
Contrairement à la plupart des opérations de Banlieue 89, qui ont défiguré le patrimoine des années 1960, sans rajouter la moindre valeur d'usage aux logements, ils se sont abstenus de tout geste esthétique par respect pour les habitants. La rénovation d'un IUT à Mulhouse (1997) confirme la validité de cette approche sans prétention.

Face à un programme donné, Patrick Weber et Pierre Keiling placent l'usage et la construction au coeur de leur réflexion, mais ils ne les considèrent pas comme des contraintes. Ils cherchent dans ces données incontournables le fil conducteur qui pourrait les mener vers l'horizon poétique du projet. Pour le centre de secours de Haguenau (1991-1992), ils ont préféré la solution d'un vaste hangar plutôt que la batterie traditionnelle des garages pour camions. La toiture de cette grande boîte est portée par une charpente hyper-légère constituée de longues poutres tridimensionnelles juxtaposées sans pannes et contreventées en façade par des raidisseurs tubulaires. La tour de séchage, qui a été conçue pour être montée sans échafaudage, donne à lire la plastique de sa construction. La composition porte sur le strict nécessaire. C'est ce que montrent aussi d'autres réalisations comme la salle polyvalente de Lauterbourg (1994-1995), la maison de retraite de Bischwiller (1995-1996), ou l'IUT de Haguenau (1995-1996). Cet IUT, extension d'un bâtiment ancien réhabilité, permet de comprendre les choix de l'agence. Le rapport à l'existant, la planéité des façades, leur différenciation, la générosité des baies, la luminosité des salles, témoignent d'une conception du métier qui mise d'abord sur les qualités d'usage, plutôt que sur les effets visuels.
Cette démarche ne conduit pas à l'austérité. En hiérarchisant les effets, elle produit des lieux habitables. Les bureaux de l'agence, réaménagés en 1993 dans un immeuble ancien non loin de la gare de Strasbourg, prouvent que la sobriété, lorsqu'elle s'accompagne d'un travail sur les matériaux peut engendrer un cadre vivant et agréable.

Joseph Abram - d'Architectures

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